La chaîne la plus précieuse au monde : Blockchain et son rôle dans le système financier

Juliane Batliner, Tendances, | 9 min. de lecture

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Les dernières années n'ont pas été avares de tendances et d'innovations : mondialisation, Big Data, Industrie 4.0, Internet des objets et maintenant Blockchain. Cette tendance est étroitement liée à un autre nom très médiatisé : Bitcoin. La plupart des gens ignorent qu'il existe une différence entre les deux. Or réduire une crypto-monnaie à sa technologie n'est pas seulement inexact : cela ne rend pas justice au rôle essentiel de la Blockchain (chaîne de blocs).

Alors que la volatilité de Bitcoin a récemment porté un coup dur à l'image de la plus ancienne et la plus célèbre crypto-monnaie, la Blockchain, quant à elle, a su prouver sa légitimité même dans des conditions pratiques défavorables.

Le secteur financier traverse une période de détresse. Mis au pied du mur par les évolutions technologiques, il lui faut faire un choix : ignorer la Blockchain et risquer de finir évincé dans le pire des cas ? Ou prendre le train en marche, s'approprier le phénomène et détruire le modèle économique traditionnel ? Un dilemme digne d'une tragédie grecque, le principe de la Blockchain visant l'élimination des banques, notaires et intermédiaires.

La fonction de Blockchain pour les données enregistrées

Comment ça fonctionne ? La Blockchain peut être apparentée à une base de données décentralisée qui stocke des enregistrements, ou blocs de données, pour former une liste extensible en continu. Ces blocs sont enchaînés les uns aux autres par le biais de processus cryptographiques. Le premier bloc est appelé bloc de genèse. Tous les blocs suivants font l'objet d'une vérification avant d'être accrochés chronologiquement à la chaîne. Les données sont enregistrées sous forme simultanée et identique sur des milliers de serveurs et reliées entre elles pour garantir un stockage de données infalsifiable. Chaque nouveau bloc est rattaché au bloc précédent et contient l'historique sous forme de somme de contrôle (qui s'apparente à la somme de ses chiffres). Toutes les données sont enregistrées de manière cryptée. Mis bout à bout, ces éléments de sécurité permettent à la Blockchain d'empêcher toute tentative de corruption et manipulation. Chaque membre du réseau assure la légitimité des autres membres et le réseau tout entier devient ainsi sa propre « source de vérité ».

La Blockchain remet en question le concept fondamental des bases de données d'entreprises et le principe du nuage (Cloud). L'approche décentralisée permet à cette technologie d'échapper à tout contrôle étatique. Le processus de transaction d'une crypto-monnaie, comme Bitcoin, illustre clairement les différences par rapport au processus traditionnel.

Blockchain : quel impact sur les transactions ?

Lors d'une transaction électronique classique entre deux personnes, le solde de chaque compte et les données de transaction sont enregistrées par la banque de l'émetteur et celle du récepteur. Dans la pratique, ces banques font souvent appel à des banques transactionnelles qui procèdent elles-mêmes aux transactions et enregistrent également les informations requises. L'enregistrement répété des transactions implique un rapprochement mutuel des banques (« reconciliation » en anglais) afin de garantir l'exactitude de cette comptabilité multiple. Les conséquences pour le trafic transfrontalier ?

Pour commencer, il n'est pas rare que des écarts ou retards se glissent au cours du processus. Ensuite, l'enregistrement multiple des données augmente le risque de manipulation en offrant plusieurs angles d'attaque.

Dans la Blockchain, en revanche, la transaction est effectuée directement entre les deux personnes impliquées : un nouveau bloc contenant les données de transaction est tout simplement ajouté à la Blockchain. Il indique :
•    Le compte (portefeuille) de l'émetteur
•    Le compte du récepteur
•    Le montant de la transaction

Un processus complexe confirme la transaction qui fait alors l'objet d'un stockage décentralisé. Ce processus garantit l'enregistrement infalsifiable des données de transaction. Mais plus important encore :

la transaction est réellement effectuée entre les deux parties uniquement. Ce processus ne requière aucun intermédiaire, banque locale ni banque transactionnelle. Résultat : grâce à ce principe, la Blockchain est nettement plus efficace. Et pour les participants au système, elle est également moins coûteuse.

Le principe de Blockchain est radical, et pour cause : l'adresse d'un compte ou d'un portefeuille permet de consulter toutes les transactions réalisées. La somme de toutes les transactions correspond au solde du compte. Mais malgré cette transparence, le système fonctionne sur la base d'une garantie d'anonymat quasi totale. Car personne ne peut voir qui se cache derrière l'adresse d'un portefeuille.

Application pratique de la Blockchain : Smart Contracts & co

L'architecture intrinsèque de la Blockchain convient parfaitement aux transactions financières et crypto-monnaies. Depuis l'apparition de Bitcoin il y a tout juste dix ans, la Blockchain n'a cessé d'évoluer. L'ajout de nouvelles fonctions a fait naître une nouvelle génération de la technologie Blockchain : Ethereum. L'inventeur d'Ethereum, Vitalik Buterin, confie dans une déclaration à Capital :

« Le jour où j'ai observé de près Bitcoin, j'ai compris que les paiements sans intermédiaires étaient désormais dans le domaine du possible. »

Une découverte effrayante pour un banquier.

Ethereum est le premier à permettre de stocker des contrats dans une Blockchain. Ces Smart Contracts ouvrent de toutes nouvelles portes à la technologie de Blockchain. Car Blockchain endosse également le rôle de garant de confiance entre plusieurs parties.

Prenons un exemple concret : deux personnes parient sur le vainqueur de la prochaine Coupe du monde de football. Le perdant devra au gagnant une certaine somme d'argent. Ce contrat de pari est converti sur la base de règles conditionnelles (si... alors) puis enregistré dans la Blockchain sous forme infalsifiable. Le contrat numérique reste en veille jusqu'à la finale de la Coupe du monde de football. A l'issue du match, il prend en compte le résultat, détermine le gagnant du pari sur la base des règles prédéfinies puis procède automatiquement au paiement convenu.

Même si l'application pratique actuelle se heurte encore à quelques obstacles d'ordre technique, son potentiel ne laisse planer aucun doute : en principe, les contrats simples ne nécessiteraient plus l'intervention d'un notaire ou d'un avocat. La Blockchain endossera la fonction de garant de confiance. Tout du moins dans l'absolu. Car au vu de la législation actuelle, nous sommes encore loin d'un tel scénario.

La Blockchain : intermédiaire infalsifiable

Il existe toutefois de nombreux autres cas de figure dans lesquels la Blockchain peut jouer le rôle d'intermédiaire infalsifiable et incorruptible : Dans les livres fonciers, l'état garantit que les informations relatives au propriétaire d'un terrain sont correctement enregistrées. Mais dans certains pays en développement, la corruption est telle qu'un enregistrement dans le livre foncier ne garantit pas la propriété à long terme.

Même au Royaume-Uni, il est courant de contracter une assurance lors d'un achat immobilier afin de s'assurer que personne d'autre ne fasse valoir de droits sur le même bien immobilier. C'est là que la Blockchain entre en jeu : elle permet de documenter les informations en éliminant tout risque de manipulation ou de destruction dû à la corruption ou à un impact écologique. Malgré son aspect futuriste, le système est déjà appliqué sous forme de prototype dans plusieurs pays tels que la Russie, l'Inde et le Ghana.

blockchain transactions
En raison de la blockchain, les transactions ont un nouveau sens.

La Blockchain : des apports financiers d'un autre genre

Un phénomène fascinant est apparu dans le sillon de la tendance Blockchain : les ICO (Initial Coin Offerings) constituent une forme de financement précoce d'entreprises de la Blockchain. Des investisseurs du monde entier achètent des jetons digitaux d'une entreprise, les Tokens. Bien souvent, ladite entreprise ne dispose alors que d'une présence internet et d'un concept technique. A l'issue de la campagne de levée de fonds, ces jetons deviennent généralement échangeables sur des plateformes de crypto-monnaies. Néanmoins, comme il ne confère aucun droit de vote (Equity), ce type d'investissement comporte un risque élevé pour les investisseurs.

Malgré tout, en quelques années seulement, ce nouveau phénomène a déjà largement dépassé les financements en capital risque (Venture Capitalist) en termes de volume. Même si les autorités de contrôle nationales choisissent de renforcer les mesures à l'encontre des ICO, le principe fondamental a encore un bel avenir devant lui grâce à la technologie Blockchain :

Les investisseurs peuvent investir avec des monnaies traditionnelles ou crypto-monnaies directement, sans instance intermédiaire et dans le monde entier, dans les entreprises qui leur semblent dotées d'un fort potentiel. Or cette possibilité s'ouvrira désormais aux 99 % d'entreprises au monde

•    qui ne sont pas cotées en bourse
•    et dont la levée de fonds se limite généralement à un financement propre ou bancaire.

« La tendance Bitcoin est passagère mais sa technologie est là pour durer, » titre le magazine Spiegel début 2018 en commentant le développement de la crypto-monnaie.

Reste à déterminer s'il s'agit là d'un phénomène de mode ou d'une véritable rupture technologique. Des milliers de nouvelles entreprises Blockchain ont fait part de leur vision d'avenir : simplifier les processus ou éliminer les maillons intermédiaires grâce à la technologie Blockchain. Certaines démarches prometteuses font déjà parler d'elles bien qu'elles ne soient pas encore réalisables sur le plan technique et n'existent actuellement que sous forme de vision ou de concept. Une autre question demeure : dans quelle mesure une rupture technologique est-elle possible si Blockchain se heurte continuellement à des acteurs financiers puissants tels que les banques ou les bourses ?

La technologie Blockchain peut être implémentée dans le domaine privé comme public. Il n'est donc pas exclu qu'apparaisse à l'avenir une mixité de ces deux concepts – avec une interopérabilité limitée. Dans ce cas, le rôle de la Blockchain risque de se limiter à de simples mises à jour informatiques.

Blockchain : qui est Mister X ?

Un nom ne cesse de hanter le web – Satoshi Nakamoto. Il incarne une technologie dont ni la société ni le secteur financier ne parviennent encore à saisir l'ampleur. Mais qui est l'inventeur de la Blockchain ? Comment se fait-il que personne ne soit en mesure de découvrir son identité ?

Satoshi Nakamoto : au premier abord, un nom typiquement japonais. Cependant, on ignore encore d'où vient réellement l'inventeur de la technologie Blockchain et s'il s'agit d'un seul individu ou d'un groupe de personnes influentes. Les spéculations vont bon train dans l'espoir d'identifier le véritable créateur de la Blockchain et de Bitcoin.

De nombreux noms ont été avancés, parmi lesquels des personnalités connues du grand public, comme le cofondateur de PayPal et directeur de Tesla, Elon Musk. Mais ces rumeurs ont toujours été rejetées par la suite, voire démenties directement par les individus concernés. D'autres personnes ont tenté de s'approprier le phénomène en prétendant, à grand renfort de tapage médiatique, être le mystérieux Mr. Bitcoin. C'est le cas de l'entrepreneur et informaticien australien Craig Steven Wright, dont l'histoire a été réfutée peu après dans un fiasco tout aussi médiatisée. A ce jour, le mystère de Satoshi Nakamoto reste donc entier et continue de déchaîner les passions.

« Je vais désormais me tourner vers d'autres projets. »
– Satoshi Nakamoto

Que savons-nous de Satoshi Nakamoto ? Il a publié le protocole Bitcoin dans un livre blanc en novembre 2008 à l'aide d'une adresse e-mail cryptée. Il a installé le premier client Bitcoin en 2009. Il était en contact avec la communauté Bitcoin mais se gardait bien de dévoiler des détails sur sa personne. Enfin, lorsqu'il a considéré que la Blockchain et Bitcoin avaient suffisamment mûri et pouvaient désormais voler de leurs propres ailes, il a quitté la scène en prononçant ces mots : « Je vais désormais me tourner vers d'autres projets. »

Article sur le rôle de la technologie Blockchain

L'article « La chaîne la plus précieuse au monde : Blockchain et son rôle dans le système financier » a été publié initialement dans notre magazine du 01/2018 dans la rubrique « Spotlight ».

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